Noël spirit – Médéa Azouri – L’Orient-Le Jour – vendredi 18 décembre 09

Que s’est-il passé ? Que s’est-il passé pour qu’un jour, on décide qu’on n’aimait plus Noël. Qu’on n’aimait plus cette période, pourtant remplie de cadeaux et de bons sentiments. Pourquoi se sent-on si « cranky », déprimé, fatigué. Alors que tout ne devrait finalement n’être que sourire et joie. C’est étrange comme cet esprit de Noël a changé avec les années. Comme il nous a quittés peu à peu. Tino Rossi a vieilli. Les sapins quand ils ne sont pas artificiels, ont perdu leur odeur. Et les cadeaux se font moindre… C’est peut-être donc ça ! Moins de cadeaux. Moins de paquets à ouvrir. Parce que, malheureusement, le Père Noël s’est fait la malle. La voilà donc l’origine de cette angoisse. On nous fait croire pendant quoi, six, sept ans que dans la nuit du 24 au 25, un mystérieux bonhomme habillé couleur Coca-Cola (c’est la marque de Soda qui a apposé son rouge et blanc sur un poster publicitaire où figurait Santa Claus, initialement habillé de vert) viendrait sur un traîneau tiré par des rennes, déposer des joujoux par milliers au pied de la cheminée. Puis un jour, on réalise que tout ça c’est de la foutaise. Des mensonges. Comme avec la petite souris. Bonjour la confiance. Il y a des parents qui se demandent ensuite pourquoi leurs enfants leur racontent des balivernes. Fallait juste donner le bon exemple. C’est tout… C’est peut-être aussi la faute à Andersen. Il devait être bien fracassé quand il a pondu La petite fille aux allumettes, qu’on nous ressert à toutes les sauces durant les fêtes : dessin animé, film, (re)lecture du conte. Il était probablement gravement déprimé Andersen, mais était-il obligé de nous contaminer avec l’histoire de cette petite fille qui passe Noël seule, dans la rue et finit par mourir de froid (sic). Glauquissime. Si on n’aime plus vraiment Noël, c’est peut-être aussi parce qu’à l’instar d’une Saint-Valentin sans amour, on a tellement de cadeaux à acheter, qu’on finit par le faire non seulement sans enthousiasme mais surtout avec ras-le-bol. « On doit » et il est là le problème. Ce devoir qui manque totalement de spontanéité. Comme la soirée de la Saint Sylvestre… On doit acheter des cadeaux. Trouver la perle rare. Essayer de faire plaisir. Et bien sûr, casser sa tirelire. Si on n’aime plus Noël, c’est peut-être également parce cette période ressemble étrangement à un jour sans fin. Les invitations et les repas se suivent et se ressemblent. Foie gras, saumon, bûche. Papa Noël sous une tonne de polyester pour des Christmas partys qui n’en finissent plus. La famille. La proche, l’éloignée, celle du conjoint. Et on jongle. Le 24 avec les uns, le 25 on ménage la susceptibilité des autres. On fait des concessions. Des efforts. Cette année, il y a des nouveaux venus. Un fiancé, une jeune épouse, un copain venu de l’étranger. Il y a aussi ceux qui ne sont plus là, ceux qui ont vieilli. Et ceux qu’on n’aime pas forcément… C’est peut-être aussi pour ça qu’on a du mal avec Noël. Parce que pendant cette période, on n’arrive quasiment pas à voir ceux qu’on aime. Happés par les courses, les invitations, les dîners de famille, les foires, les gens de l’étranger à voir, les expositions, on n’a pas le temps. On n’a pratiquement parlant, plus le temps. Puis on perd nos repères. On ne va plus aux mêmes endroits. Bondés. On ne trouve pas de places dans les restos. Bondés. On fait les derniers achats dans une atmosphère différente. Une espèce de truc envahissant. C’est ça aussi le problème. On a cette curieuse impression que durant les fêtes, on subit en quelque sorte une invasion. On se tape la pluie, les embouteillages, les queues. Rien que l’idée que les fêtes ont commencé, qu’on doit farcir la dinde, décider de monter à Faraya ou pas, voir ce qu’on va faire le 31 au soir, booker des soirs pour tenter de se voir, essayer de savoir où et comment… on stresse. Et puis les fêtes exacerbent les sentiments, les sensations, les ruptures, les départs, les deuils. A moins d’une semaine de la grande liesse, le principal est de se ressourcer. De ne tirer que le meilleur. De voir le verre à moitié plein. Et de profiter de tout ce que Noël peut offrir de beau. Comme cette extraordinaire contagion que peut provoquer le regard d’un enfant émerveillé le 25 au matin quand il aperçoit cette montagne de paquets sous le sapin illuminé. Une fois venu ce moment, tous les ressentiments des jours précédents se volatilisent en un seul instant. Et elle est là, la fameuse magie de Noël.

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