Toi aussi Brutus? – Médéa Azouri, L’Orient-Le Jour, samedi 30 mai 2015

Haute trahison. Double trahison. Quatre ans pour possession d’explosifs. Trois ans pour un pétard, et pas mouillé. Le peuple libanais a été trahi deux fois. Une fois par un ex-ministre, la deuxième par un Judas judiciaire plutôt qu’une Thémis juste. Mais ce n’est pas la première des exactions que les Libanais subissent. Et ce n’est sûrement, mais alors sûrement pas la dernière.
Trahison : crime d’une personne qui passe à l’ennemi. Trahir : action de manquer au devoir de fidélité. La trahison est un des actes, si ce n’est l’acte le plus vil qui existe. Rien ne peut pardonner une trahison. Qu’elle soit politique, guerrière, civile, professionnelle, familiale, amicale ou amoureuse.
Le coup de poignard dans le dos est incicatrisable. Il laisse une plaie béante. Une plaie souvent ravivée parce qu’on sera toujours victime d’une trahison. Un collègue. Le sourire hypocrite de la félonie qui établit un faux rapport pour vous faire chuter. Qui raconte des bobards à votre sujet, vous condamnant sans preuves exactes à courber l’échine. Une collègue qui vous met à terre sans raison aucune. Pourquoi ? Une question souvent sans réponse. Jalousie ? Peut-être. Volonté de monter en grade ? Peut-être. Mais quand bien même une excuse pourrait être trouvée ou justifiée, rien ne blanchit un traître. Un frère. Une sœur. Pour une poignée de livres libanaises. Pour une parcelle de terrain. Un coup d’acte notarial falsifié dans le dos. Un lien utérin qui s’envole pour une question d’héritage. Toi aussi Brutus ? Lui aussi. Toi aussi chéri(e) ? Lui/elle aussi. Adultère. À partir de quand et de quoi l’infidélité est-elle considérée comme une trahison. Lorsque l’amour s’est estompé ? Lorsqu’on ne tient pas ses promesses ? Lorsqu’on touche le corps de l’autre ? Lorsqu’on se confie à l’autre ? Qu’on partage avec l’autre ? Le mensonge est-il une trahison ? La trahison amoureuse est subjective. Elle s’inscrit en fonction d’un contrat, tacite ou pas, entre deux êtres. Entre l’accord qui a été fait ou dit au préalable. La trahison amoureuse est-elle sexuelle ou sentimentale ? Peut-on distinguer l’infidélité de la trahison ? Quel est le fil rouge ? Cette ligne de démarcation qui fait qu’un couple a sombré dans une guerre de tranchées ? Si plus rien ne se passe physiquement, une partie de jambes en l’air est-elle une trahison ? Si elle se fait à l’étranger est-elle moins grave ? Moins grave que dans le même quartier et qu’elle provoque un qu’en dira-t-on ? Y a-t-il une règle ou un schéma ?
La trahison s’inscrit quand celui ou celle qui est trompé(e) est intégré(e) dans l’autre histoire. Lorsqu’un mari parle de sa femme, de son enfant. Lorsque la maîtresse ou l’amant devient complice. Confident(e).
Lorsqu’une attitude change. Qu’elle devient goujaterie, irrespect. Lorsqu’un ami, un proche trahit la conscience. Dans le rejet de la confiance donnée. Dans un secret dévoilé, une conspiration. L’ingratitude portée à son paroxysme. Lorsqu’on se croit tout permis parce qu’on n’avait rien demandé. Chacun vit un événement comme une trahison ou pas. Chacun a sa perception d’une trahison quand d’autres ne la voient pas forcément. Qu’on peut la considérer comme étant une stratégie nécessaire. La trahison est intérieure. Elle est propre à chaque individu. Et quels que soient cette perfidie, cette déloyauté, ce parjure, ils seront une immense douleur pour ceux qui l’auront goutée. Elle est irréparable.
Et la pire de toutes est la trahison de soi-même. Elle est le témoignage de renoncements, de valeurs écartées, de lâcheté. Et là, l’homme sera devenu l’ennemi de lui-même.

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