Suicide blonde – Médéa Azouri, L’Orient-Le Jour, samedi 13 octobre 2012 #blonde

Une ravissante idiote. Un cerveau creux, des questions naïves, des comportements tout aussi étranges que stupides. Les blondes. Ces têtes de turc qui s’en prennent plein la figure. Ces blondes qui ont remplacé les Belges, les Portugais, les Hamasné et tous ceux qui ont été pendant des années les héros involontaires de blagues plutôt méchantes et considérées aujourd’hui comme étant racistes et politiquement incorrectes. Dès qu’il s’agit de mettre en scène un protagoniste qui fera une grosse connerie, c’est une blonde. Une bimbo crétine, une Barbie nigaude, ridicule et fréquemment pute. La blonde est une marie couche toi là. Une fille facile qui écarte les cuisses au premier venu, qui ne sait pas changer une ampoule, qui ne sait pas comment utiliser un téléphone, pose des questions d’une connerie effarante. Mais pourquoi tant de haine ? Pourquoi la blonde est-elle devenue une paria ? Ah, grande question. Ramène ta blonde. Ramène ta femme, ta copine, ta meuf. C’est donc la femme qui en prend pour son grade dans ces blagues souvent de mauvais goût. La blonde a pendant très longtemps été l’incarnation de la féminité. Sauf qu’à côté de la froideur des héroïnes hitchcockiennes, il y a eu un grand nombre de ravissantes idiotes. Les rôles de Marilyn n’ont pas aidé.   Et bien, la blonde, la vraie, la décolorée, la peroxydée, la high lightée, la platine, la vénitienne a sacrément de chance. Parce que si elle est effectivement conne comme ses pieds, elle a le luxe d’être tranquille. Aucune prise de tête, aucune crise existentielle. Pas de passage sur un divan ni prise de xanax. Pour la blonde tout va bien. J’envie la blonde. La vraie. Etre con est une grâce. Ne3mé. La tête est vide et un rien la remplit. La vie est douce. Un peu de tristesse, mais rien de grave. Et puis l’ineptie d’une blonde donne envie de la protéger. Parce qu’en plus une blonde c’est fragile. Caricatural ? Oui. Autant que les blagues qui circulent sur elles. Mais aujourd’hui les hommes préfèrent-ils encore les blondes ? Au cinéma, les icônes sont plutôt brunes. On oublie la Monroe, Bardot, Grace Kelly, Jane Mansfield et on s’oriente plus vers les sensuelles Monica Bellucci ou Angelina Jolie. Intelligentes ces brunes-là ? Certaines. Alors être blonde c’est quoi au juste ? C’est un statement. Etre blonde, c’est dans la tête. Jouer à la blonde, c’est un art. Se faire passer pour une idiote alors qu’on ne l’est pas, est une des attitudes les plus machiavéliques qu’il soit. Tout d’abord parce que la fausse blonde prend au final les autres pour des cons mais principalement parce qu’elle laisse passer tellement de choses qu’au final elle se fout de tout. Rakbé rass 7mar. Et vis peinarde. Sois tour à tour blonde comme Claude François ou Dave. Sois Emmanuelle Béart ou Ursula Andress sortant de l’eau. Sois une potiche comme Victoria Silvstedt et tire les ficelles. Déhanche-toi comme Shakira. Sois vénale et lubrique. Sois aussi aware que Jean-Claude Van Damme et mets ton cerveau en berne. Y’a rien de mieux. Rien de plus confortable. Une tête vidée lorsqu’elle est pleine. Etre une fausse conne comme on est une fausse blonde. Laisse couler, laisse jaser et surtout amuse-toi quand celui d’en face essaye de t’entourlouper. Sois blonde jusqu’au bout des seins. Ça ne sert à rien de sans cesse se demander le pourquoi du comment. Pourquoi cette relation avec ma mère, pourquoi pas de promotion, pourquoi toujours les mêmes erreurs, pourquoi le blues du matin au réveil, pourquoi les insomnies, pourquoi n’importe quoi. Concentre-toi sur ta couleur, sur ta peau, sur le reflet du soleil. Laisse tes cheveux au vent et ton rouge sur les lèvres. Sois blonde, tais-toi et écoute. Manipule, jubile à l’intérieur, fais semblant d’adorer Fifty Shades of Grey et le soir lis Cent ans de solitude, fais semblant de pleurer pour qu’on te change une roue, pour qu’on te porte secours, fais semblant pour faire croire que tu as irrémédiablement besoin de lui. Trompe sur tes goûts politiques et vote intelligent. Et souris puisque c’est grave.

 

 

 

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