Jardin d’hiver – Médéa Azouri, L’Orient-Le Jour, samedi 12 décembre 2015

Il y a quelque chose de doux qui vient souvent avec l’hiver. Quelque chose de sucré. Au-delà des marrons glacés et des chocolats. L’hiver, quand il s’installe normalement, apporte avec lui une espèce de calme. Malgré les tempêtes ou la suractivité des fêtes. Malgré le stress de fin d’année. L’hiver, ce sont des souvenirs qui remontent à la surface. Ces petits riens qui nous ont manqués durant les huit ou les neuf mois de chaleur. Ce sont des retrouvailles avec des objets oubliés. Un pull qu’on aime et qu’on n’a porté que quelques fois, faute de grand froid. Ce manteau épais qu’on a acheté l’année dernière, ces boots, ces écharpes, cette doudoune Uniqlo qu’on a commandée à des amis. On est d’ailleurs toujours plus élégant en hiver.
L’hiver, ce sont des réunions familiales ou amicales autour d’un sobia. Les marrons qu’on grille à l’intérieur. Les marrons qui n’étaient pas là en mai, qu’on intègre dans nos plats ou qu’on transforme en Mont-Blanc. Le Mont-Blanc qu’on ne mange que pendant une dizaine de jours, tout comme cette galette des rois en frangipane.
L’hiver, c’est nous, blottis sous un grand plaid tricoté par une tante qu’on aime. Blottis sur un canapé, végétant devant la télé, sans aucune culpabilité. Parce qu’il pleut et que le ciel bleu ne nous fait pas de l’œil en nous disant qu’il fait meilleur dehors. Ce sont des après-midi où on joue au tarnib, au 14, au Monopoly en buvant du vin chaud. Ou un sahlab. Ou un chocolat chaud. L’hiver, ce sont les dîners-raclette qui font que l’on pue, qu’on sent ce fromage couler comme du béton dans notre ventre. Mais qu’est-ce que c’est bon. Fondue bourguignonne, fondue savoyarde, où les morceaux de pain se noient au fond de la marmite alors qu’il neige. C’est beau, la neige, les petits et leurs boules, les gamins et leurs bonshommes bancals. Il y a le ski aussi, le snowboard et tous les sports de glisse. Le nez cramé à cause du soleil et la légende. Pouvoir skier et nager le même jour.
C’est beau, l’hiver, où les familles se retrouvent, s’embrassent, s’engueulent. Se posent devant un sapin décoré de mille lumières et de boules clinquantes. Où les collègues font Secret Santa au bureau en riant des trouvailles des uns et des autres. Ce Secret Santa qu’on peut appliquer entre amis. Où les amis se transforment en familles de cœur, et où elles organisent des après-midi pour que tous les enfants se retrouvent. C’est beau, l’hiver, parce qu’il fait froid et que le froid nous fait du bien, nous revigore. La chaleur ne nous accable plus. Elle a laissé la place à la chaleur des autres. Même si la nervosité est ambiante, les autres sont là. Peut-être parce qu’il subsiste un soupçon de cette magie qu’on regrette souvent, tant la fête est devenue commerciale. Les gens sont plus à même de laisser jaillir leur générosité. Ils pardonnent, se font pardonner. Disent aux autres qu’ils les aiment. Ce qu’on ne fait malheureusement pas assez souvent. Ils se retrouvent dans des soirées qui finalement se sont avérées plus réussies que prévues, et croisent des personnes qu’ils n’avaient pas vues depuis longtemps. C’est sympa de retomber sur des têtes un an plus tard. D’avoir de leurs nouvelles, de renouer parfois un contact perdu et d’organiser un déjeuner. C’est sympa de se croiser dans un magasin de jouets et de partager ses inquiétudes quant à la non-trouvaille pour ses gamins.
C’est beau, l’hiver, parce que malgré tout et tous, les enfants ont des étoiles dans les yeux et que leurs vacances sont un peu les nôtres.

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